jeudi 13 mars 2014

la Guinée, nouvel enjeu des terres rares.

On croyait la question définitivement résolue par les résultats des élections législatives. Mais à l’évidence, avec les derniers incidents survenus à Mamou, on voit que le débat autour du concept de «Manden Djallon» soulevé à la veille du scrutin parlementaire n'est pas retombé. Il refait surface avec les nombreux conflits domaniaux qui éclatent çà et là dans la région. Parce qu’en réalité, la récurrence singulière avec laquelle ces querelles éclatent aujourd’hui, n’est pas étrangère au germe de division que certains ont bien voulu semer dans la région, en vue de satisfaire à des fins politico-politiciennes. Et au rythme où vont les choses, les conséquences fâcheuses sur le tissu social pourraient beaucoup plus graves. D’où la nécessité d’y mettre fin. Mais comment ? Là est toute la question.
Tout remède viable implique deux principes de base : prendre conscience du rôle manipulateur que certains responsables politiques y jouent, et reconnaître l’existence historique de la dimension esclavagiste au sein des communautés qui peuplent aujourd’hui le Fouta. Vu la dimension que risque de prendre le phénomène, il ne servira pas à grand-chose de jouer à la politique de l’autruche. Ce n’est pas la peine de faire comme si le mal n’était pas là. Parce que de manière insidieuse et dans un cadre strictement informel, il continuera à se propager. Bien entendu, ceux qui l’ont provoqué pourront applaudir et, se féliciter de leur ”intelligence” diabolique. Mais parce que les hommes et les dirigeants passent et que le peuple et la nation ont vocation à demeurer, il faudra y mettre fin, pour la cohabitation harmonieuse des populations.
Un défi qui ne sera point relevé sans sens de responsabilité, hauteur de vue et vision patriotique. Le premier pan de la potion composant le remède, c’est, comme on le disait plus haut, le fait de prendre conscience de la dimension ‘’instrumentalisation politico-politicienne’’. ‘’Descendants d’esclaves’’ et ‘’héritiers de nobles’’ doivent faire en sorte de ne pas succomber face aux manœuvres.
Dans un passé récent, les deux ne bénéficiaient certes pas des mêmes droits. Mais c’est là un contexte historique qu’ils doivent tous assumer et dépasser. Comme l’ont relativement fait Américains blancs et américains noirs pour qu’Obama soit élu, puis réélu. Déjà, cheminant ensemble, ils ont réussi à surmonter une bonne partie du contentieux, sans l’intervention explicite d’une tierce personne. Comme on le dit, le temps a fait son œuvre. Le reste du chemin, ils ont les ressources nécessaires pour le parcourir sans intervention extérieure. Surtout si cette dernière est de nature à les diviser. Ils doivent faire prévaloir une ‘’intelligence’’ qui leur permette de déceler la manipulation et de se prémunir contre elle. Mais cela suppose une remise en cause objective et sincère de la part en particulier des ‘’héritiers des nobles’’.
S’il est incontestable que les politiciens y sont pour beaucoup, par contre ils surfent sur un fait historique et sociétal, l’esclavagisme, qui a bel et bien existé en Guinée et dont les survivances sont encore perceptibles dans certains comportements et attitudes. Même s’il est à préciser que le phénomène n’est pas exclusif au Fouta. Certes, on ne peut pas changer les mentalités du jour au lendemain. La révolution sékoutouréenne, avait supprimé même la chefferie traditionnelle qui était un des substrats de cette situation.
Il est important qu’au niveau des intellectuels et autorités morales de la Moyenne Guinée, le débat soit posé. Parce qu’il s’agit d’un problème autrement plus grave que la querelle entre Cellou Dalein Diallo et Bah Oury. Il n’y a pas de honte à reconnaître qu’on a eu tort à agir de manière condescendante à l’égard d’une certaine catégorie de ses semblables. De ce mea culpa intérieur, découlera le nécessaire changement de comportements et d’attitudes.
A l’issue de cette remise en cause, on apprendra à ne plus refuser à certains le droit de diriger la prière et on cessera progressivement  d’expliquer les comportements de tel ou de tel par le statut social. A partir de cette remise en question de la couche qui continue à se concevoir comme supérieure, l’accalmie du camp d’en face sera facilitée. Et la nation aura triomphé des manipulateurs.

vendredi 7 mars 2014

Bras de fer dans la classe politique Guinéenne

Les enjeux électoraux de 2015 se rapprochant, les contradictions entre le pouvoir et l’opposition se précisent de plus en plus. Alors qu’on croyait et espérait que la mise en place de l’Assemblée nationale favoriserait un certain répit, l’accalmie pourrait être plus éphémère. Reprochant au gouvernement son refus de dialogue et sa fuite en avant par rapport à des sujets cruciaux en rapport notamment avec les prochaines élections présidentielles, les leaders politiques de l’opposition envisagent de plus en plus la reprise des manifestations de rue. Une sombre perspective qui pourrait bien être mise à exécution, dans la mesure où chaque camp demeure figé sur sa position.
C’est à avec un courrier en date du 2 mai dernier que l’opposition guinéenne avait formellement saisi le premier ministre au sujet de la mise en place d’un cadre de concertation. Cellou Dalein Diallo et ses camarades justifiaient cette requête par la nécessité, selon eux, de débattre d’un certain nombre de points de l’accord politique global du 3 juillet 2013. Des points dont la mise en œuvre aurait, à en croire les membres de l’opposition, connu un certain retard.
La méfiance entre pouvoir et opposition
Il s’agit notamment de l’organisation des élections communales et communautaires, du recrutement d’un nouvel opérateur technique en charge de la révision du fichier électoral, du rôle et de la place des administrateurs territoriaux dans les prochaines consultations électorales ou encore de la poursuite des auteurs des violences politiques et, conséquemment, de l’indemnisation des victimes de ces violences. Subtilement, les auteurs de ce courrier menaçaient de reprendre les manifestations de rue, s’ils ne sont pas écoutés.
Quelques jours plus tard, le porte-parole de l’opposition, s’exprimant sur les ondes d’une radio privée de la place, indiquait qu’en réalité ce courrier ne répondait qu’à une démarche de forme. L’opposition voulait juste donner des gages d’une approche républicaine. Autrement, ajoutait Aboubacar Sylla, les adversaires au régime du président Alpha Condé ne se faisaient guère d’illusion. C’est dire que la confiance ne règne entre les deux camps.
Dix-sept jours après réception de cette correspondance, Mohamed Saïd Fofana vient d’y répondre. Adoptant une démarche de pédagogue, et se voulant très méthodique, le premier ministre répond aux  sollicitations de l’opposition, point par point. Le chef du gouvernement, lui aussi, ne se préoccupe point du fond. C’est ainsi que pour la poursuite des auteurs des violences et l’indemnisation des victimes, il indique, pour ce qui est de la première partie de la question, que l’instruction a déjà commencé et qu’elle suit son cours normal et, en ce qui concerne le second volet, que les indemnisations interviendront seulement à l’issue du procès qui sera organisé.
Une réponse qui ne convainc pas l’opposition
A propos des craintes de l’opposition par rapport à l’immixtion de l’administration territoriale dans la gestion du processus électoral, le premier ministre engage son gouvernement à faire en sorte que les principes de neutralité soient respectés. Sur la question  cruciale du recrutement d’un nouvel opérateur technique, Mohamed Saïd Fofana, estimant que rien n’est encore tard, rassure les partenaires politiques en promettant que l’appel à concurrence sera lancé à temps.
Le point relatif à la tenue des élections communales et communautaires, lui, n’est même pas abordé. Et pour couronner le tout, le chef du gouvernement sous-entendant qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place un cadre de concertation, renvoie l’opposition guinéenne vers l’Assemblée nationale.
Dans cette réponse, on a l’impression que le premier ministre a fait comme les opposants. Il doit s’être dit que l’important n’est pas le contenu. Sa préoccupation était de ne pas se voir accusé d’avoir ignoré le courrier. Il devait y répondre, et il l’a fait. Il s’est acquitté de sa partition. Surtout qu’aux yeux de l’opinion nationale et internationale, certaines des alternatives qu’il propose ne manquent pas de pertinence.

Mais pour l’opposition, ce n’est qu’une fuite en avant. Décortiquant le courrier-réponse, Aboubacar Sylla pense même que c’est une fin de non-recevoir face à tout ce qu’ils avaient demandé. Ce qui, selon nos informations, conduirait l’opposition guinéenne, à envisager une rencontre dans les tout prochains jours, en vue de décider de la suite à donner à ces réponses. Pour beaucoup, de cette rencontre, une menace plus précise pourrait découler.